Société

Vous avez dit mosquée ?

Rédigé par Nadia Ben Othmane | Dimanche 27 Novembre 2005 à 22:29

J’étais de passage dans le 18e arrondissement de Paris. C’était l’après-midi et il faisait beau. Avec mon amie, nous avions décidé de nous rendre à la mosquée pour célébrer la prière de Dhor dont l’horaire était déjà bien avancé.




Perdues dans le dédale des ruelles étroites du quartier de la Goutte d’or, nous « voyageons » du Maroc au Mali en passant par l’Algérie et le Sénégal. Les odeurs d’épices et les parfums les plus divers égrènent notre parcours. Autour de nous, tout respire un ailleurs. Nous voilà donc traversant l’Afrique sub-sahélienne. Une variété de langues, une multitude de couleurs se côtoient dans un melting-pot qui nous fait presque oublier que nous sommes à Paris. Aux taxiphones et aux librairies islamiques, succèdent les marchands d’épices et d’accessoires de cuisines africaines que jouxtent les restaurants exotiques. Emportées par cette animation étourdissante, nous marchons tout le long de la rue Myrha au bout de laquelle est censée se trouver la mosquée.

Une porte métallique ouverte sur le trottoir nous fait un instant penser qu’il s’agit là de l’entrée de la mosquée annoncée. Sur le pas de la porte, nous nous trouvons face à une sombre cage d’escaliers aux murs généreusement recouverts de tags. Le regard que nous échangeons alors trahit manifestement notre inquiétude. Est-il possible que cela soit la porte d’entrée d’un lieu de culte ? Presque instinctivement, nous rebroussons chemin, apeurées l’une et l’autre.

Comme nous avions décidé de ne pas laisser passer l’heure du Dohr, une nouvelle fois nous demandons notre chemin. « La mosquée se trouve plus bas » nous dit-on. Nous continuons de marcher jusqu’à un écriteau placardé contre un long mur blanchâtre enserré dans un grillage de même couleur. On apprend que le lieu n’ouvre que durant la célébration en commun de chaque office. Là était bien la mosquée. On ne l’aurait pas dit !

Un passant nous indique une autre salle de prière en amont, à l’angle de la rue des Poissonnières et de la rue Polonceau. Nous finissons par la trouver. C’est la mosquée Assalam, la mosquée de la paix. Mais ce lieu n’est ouvert qu’« une demi-heure avant et une demi-heure après chaque office. » Zut ! La porte est déjà fermée. Notre regard est alors attiré par une seconde porte entrouverte en contrebas. Un homme est posté devant, probablement l’imam. Nous nous présentons à lui et le prions de nous laisser entrer pour prier dans sa mosquée. « D’accord, mesdemoiselles, mais il n’y a pas de salle d’ablutions » fit-il avant de nous expliquer que la mosquée est en travaux. Tant pis ! Nous nous débrouillerons. Une fois à l’intérieur, nous nous faufilons à travers les méandres des cartons et de planches de bois qui jonchent le sol de l’entrée. La mosquée Assalam se donne effectivement un nouveau look. Près d’une demi-heure plus tard, nous parvenons à prier, sous le bruit tonnant des perceuses. Alhamdoulellah !!!

Par réflexe de journaliste ou par curiosité de croyante, j’ai voulu en savoir un peu plus sur cette mosquée que je venais de découvrir. C’est alors que j’apprends que l’endroit est une ancienne cave louée en 1975 par un musulman passionné de la mosquée. À cette époque, la rue Polonceau était une rue chaude de Paris. Selon M. Diakité Moussa, originaire du Mali et installé en France depuis 1963, c’est cette mosquée-cave qui a assaini ce quartier qui était connu pour ses belles de nuit et son trafic de drogue. Un bail de dix ans fut signé avec le propriétaire des lieux. Mais ce dernier voulut vendre son bien à la fin du bail. C’est alors que M. Diakité trouva un généreux donateur saoudien qui acheta l’immeuble en 1982. L’immeuble en question n’existe plus. Mais la mosquée souhaitée n’a pas encore vu le jour. De l’avis de M. Diakité, « la mairie de Paris n’en veut pas ». Une vraie mosquée avec minaret en plein 18e arrondissement de Paris ! ! Et puis quoi encore ?